samedi 1 mai 2010

Le Vierger - Chap. 1 #2

C’est ici qu’elles descendaient. « Tout de même quel nom étrange pour un village.» pensa Maya. Le train s’arrêta sur le quai d’une gare de campagne, petite et assez vieille qui ne semblait pas avoir était rénovée depuis sa construction. Elles sortirent de la voiture. La grosse horloge du hall indiquait quinze heures dix. Cela faisait déjà sept heures qu’elles voyageaient ? Maya n’avait pas vu le temps passer. Elles sortirent de la gare chargées de leurs bagages et découvrirent le village de Birdckame. Elles arpentèrent les rues étroites et pavées qui sillonnaient à travers le village tout en observant, ébahies, ce qui les entourait. Les premières impressions de Maya furent plutôt négatives, elle trouva cet endroit bien triste… Le temps était orageux et une épaisse brume recouvrait tout. Les maisons étaient en pierre, elles semblaient très vieilles et étaient d‘un gris sale, le paysage manquait affreusement de couleurs… Les rues étaient étonnement désertes, pas un seul passant, pas une seule boutique ouverte, pas une seule voiture, pas même un chat…

« Quel endroit sinistre… » lâcha Maya au bout de quelques minutes, d‘une voix crispée.
- Ah oui tu trouves ? Répondit sa mère d’un ton léger. Moi je le trouve au contraire plein de charme. »

C‘est vrai, c‘était le genre d‘endroit qui plaisait à sa mère… Cette réponse n’étonna guère la jeune fille. Mais tout de même l’atmosphère du village était si pesante et tellement lugubre… Maya s’agrippait au bras de sa mère, elle ressentait comme des ondes négatives planer autour d’elle et cela la rendait nerveuse.

« Voilà, normalement nous y sommes bientôt. C’est par là. » dit sa mère en montrant du doigt une colline située juste à la sortie du village.

La maison se trouvait au sommet de cette colline, à l’orée d’un bois. Le chemin pour y accéder était pentu et scabreux. C’était une vieille bâtisse de pierre mais elle était moins grise que les maisons du village et très bien entretenue ce qui rassura un peu Maya. Autour, il y avait un petit jardin avec une belle pelouse verte et deux modestes parterre de fleurs de toutes couleurs et de toutes variétés confondues. Mais même les fleurs semblaient ternes ici… elle soupira.

Une fois rentrées dans la maison, elles découvrirent un ravissant hall, en face de la porte d’entrée, il y avait un vieil escalier en bois noir qui conduisait très certainement à l’étage où se trouvaient les chambres. Sur la gauche il y avait le salon, éclairé par une grande baie vitrée qui donnait sur le jardin. Elles déposèrent leurs affaires dans un coin de la pièce. « Regarde Maya, il y a une cheminée ! » s’exclama sa mère d’une voix enjouée. L’adolescente fit mine de se réjouir mais ce n’était ni cette cheminée, ni cette maison, ni même ce village qui pourrait lui redonner le sourire. Elle examina la pièce. Elle était vide. On pouvait voir ça et là des formes plus claires dessinées sur les murs, les traces laissées par les meubles autrefois installés ici. Sa mère avait bien pris soin de n’emporter avec elle aucun meuble, aucun objet de décoration. Tout éléments susceptibles de rappeler leur vie passée étaient proscrits. Cette pièce n’était donc pas prête d’être meublée. Maya baissa la tête et soupira tristement. Elle s’arrêta devant la grande baie vitrée et le regard vide, elle contemplait l’extérieur, cette nature éteinte et froide qui les entourait lui donnait la chair de poule et très vite la mélancolie la gagna. Sa mère était déjà en train de faire brûler du bois dans la cheminée et une odeur familière de fumée envahie alors l’espace. La maison parut soudain plus chaleureuse et Maya fut submergée par l‘émotion, elle avait le cœur lourd et ses yeux se remplirent de larmes. « Non ! Pensa-t-elle, je m’étais jurée de plus jamais pleurer ! » D’un geste rapide de la main elle essuya ses yeux et monta à l‘étage pour s‘enfermer dans une pièce vide désormais devenue sa chambre. Cette atmosphère douce et réconfortante lui avait rappelé l’époque où ils se retrouvaient en famille autour d’un feu, l’époque où elle était encore insouciante, l’époque où elle savait encore rire… « Il ne faut pas que maman me voit comme ça ! Se dit-elle à elle-même pour se redonner courage. Il faut que je me reprenne, ce n’est pas le moment de se laisser abattre ! » Elle avança vers la fenêtre de la chambre, le parquet usé grincait sous ses pieds. Elle tourna la poignée de la fenêtre qui s’ouvrit dans un nuage de poussière. Elle toussota puis se pencha sur le rebord pour voir le paysage. Cette fenêtre donnait sur l’épaisse et sombre forêt, un frisson la parcourut et elle ferma la fenêtre en toute hâte.

Les jours passaient le plus ordinairement du monde. Petit à petit, elles avaient installé les quelques affaires qu’elles avaient et elles commençaient à se sentir chez elles. Sa mère occupait ses journées à jardiner et à s’occuper de ses corbeaux, cela semblait la rendre heureuse, Maya la surprit même à siffloter gaiement, il lui sembla que sa mère souriait plus souvent depuis qu’elle vivait ici et Maya était contente, après tout, c‘est tout ce qui comptait: que sa mère soit heureuse. Elles coulaient des jours paisibles, en retrait de la ville, comme s’il n’y avait plus qu’elles au monde. Cela leur permit de se retrouver. Leurs conversations entre mère et fille avait manqué à Maya, cela faisait bien longtemps qu’elles n’avaient pas autant discuté et cela avait l’air d’avoir aussi manqué à sa mère. Bien souvent, ce qu’elles se racontaient n’était pas très intéressant mais elles avaient retrouvé le plaisir de converser toutes les deux. Le contact extérieure et la compagnie d’autrui ne paraissait manquer ni à l’une, ni à l’autre. Mais bien que la solitude lui convenait parfaitement, Maya trouvait cependant étrange qu’elles soient si isolées. Personne n’était venu leur rendre visite depuis leur arrivée, pas même le facteur… comment était-ce possible que dans un si petit village, personne ne soit au courant qu’il y ait de nouveaux arrivants ? C’était complètement invraisemblable. Un jour, elles étaient descendus au village faire quelques courses. La ville la plus proche se situant à plus de quarante kilomètres, elles ne pouvaient pas s’y rendre souvent, alors l‘épicerie du village semblait être la meilleure solution. Elles avaient été fort étonnées de ne croiser que très peu d’âmes dans les rues mais le peu qu‘elles virent était loin d’être rassurant. Tout comme le village, les villageois étaient mornes, peu loquasses voire même carrément antipathiques et même leur teint était grisâtre et puis ils avaient de drôles d’airs, comme s’ils venaient de vivre un drame effroyable, ils les dévisageaient tous de leurs yeux ternes et inexpressifs. Maya était horrifiée par ce spectacle… Elles s’étaient donc arrêtées à l’épicerie du village. C’était une vieille dame qui la tenait, son visage était si ridée, son teint si blanc et son corps si petit et frêle qu‘elle avait l‘air d‘un mort-vivant. Lorsqu’elle les vit arriver, elle leur lança un regard noir de derrière son comptoir, les examinant de la tête aux pieds puis de ses lèvres pincées elle leur dit d’une voix chevrotante et glaciale: « Je ne vous ai encore jamais vu par ici, vous venez d’arriver dans la région ? » Maya et sa mère s’étaient regardées et avait hoché la tête en guise de réponse, la vieillarde ne répondit rien, pas même un mot pour leur souhaiter la bienvenue, elle se contenta juste de leur dire combien elles lui devaient en les regardant de façon hautaine et une fois qu‘elles sortirent, elle ne prit même pas la peine de les saluer. « Eh bien, ils ne sont pas très accueillants les gens d’ici… » avait alors dit sa mère. Maya, elle, pensait que c’était bien plus que ça… Les habitants d’ici ne devaient pas aimer les étrangers, comme dans ces romans policiers où l’histoire se déroule dans un village sinistre et isolé et où les nouveaux arrivants sont le commencement d‘une longue série de meurtres. Cette pensée lui fit froid dans le dos, elle détestait ce genre d’histoire mais l’atmosphère de Birdckame était étrangement comparable à celle des villages de ces romans. Ou alors peut-être ce village était-il maudit ? Cela aussi elle l’avait lu dans un roman, l’histoire du village maudit… un thème repris mainte et mainte fois… C’était ridicule, elle le savait et elle voulait s’en persuader mais tout cela était tellement bizarre, tellement irréaliste que c’était la seule explication qu’elle avait, jusqu’à présent, trouver… Alors pour se rassurer elle se disait que peut-être était-ce les villageois qui étaient très superstitieux et croyaient que l’arrivée d’étrangers était signe de mauvais présage. Après tout c’était plausible, ce village loin de tout, à l’écart du monde, isolé en pleine campagne, à plusieurs dizaines de kilomètres des villes, il n’était pas impossible que les habitants soient si arriérés...